Le printemps s'est ouvert déja sur l'été et l'été cet année capricieux se ferme presque déjà sur l'automne qu'encore je me sens bourgeon qui a besoin de croître avant d'éclore. A la croisée des énergies, les semences se croisent parfois sur une terre favorable et font naître hors de leur propre contrôle la promesse d'une nouvelle aurore.
C'est là que je me pose. Que la fleur prend racine. Que je prends le temps du temps.
Car la vie ne croît vraiment que sur le temps long. Si Montréal m'a appris à voler, à me laisser porter par les vents vers mille rivages qui venaient sans douleur imprégner tout mon être en vagues incessantes et douces, la vieille Europe m'a ramenée en des lieux ou après avoir engorgé comme une éponge la richesse du monde on est capable de la faire germer. Les paysages deviennent des pages et les idées des projets, les intuitions des arts de vivre et les incertitudes des chances d'apprendre.
Pages, projets, arts de vivre et chances d'apprendre ont pourtant besoin de temps avant de s'exprimer clairement, surtout dans l'atmosphère de relative suspicion de ce vieu continent qui a peur de lui même. Ces avenirs concrets possibles poussent en nous dans le silence et l'absence de lien, dans l'inconscience du sommeil et le manque de relations humaines. Comme en creu, comme un manque qui vient se combler de soi même. Il serait faux de dire qu'aucune page ni aucun projet ne peuvent se construire rapidement et dans une dynamique commune; mais parfois, d'autres pages et d'autres projets ont besoin de solitude et de temps pour devenir solides et durables. De la richesse du vol qu'on a aimée dans le ciel, on apprend la richesse du sol et de la terre, des saisons et des rocs. On laisse ses racines enfin pousser un peu, juste ce qu'il faut pour savoir ou l'on est.
Autour de nous alors se dessine un paysage nouveau et inattendu: celui qu'on se dessine soi même. Il est plus douloureux dans les efforts qu'il demande à construire et moins surprenant peut-être au départ que ceux que l'on a croisés en planant sur le monde, mais ce sont ses détails qui tout a coup surprennent. La couleur chaude et douce de la fleur agréable poussée sans crier gare du mélange pourtant doux-amer des souvenirs enfin sortis des boites; la douceur renouvelée et rassurante de la lumiere qui filtre à travers les feuilles claires des arbres d'un chemin quotidien dont on avait peur il y a peu. On se retrouve comme on retrouve un vieil ami: un peu intimidé et sans toujours comprendre qui on est devenu; mais serein. On se retrouve en soi, sans pouvoir vraiment en parler a quiconque; car le bourgeon timide garde pour lui les plis de ses pétales et le sommeil qui le garde engourdi.
Bientôt pourtant et en toute discrétion, dans la douce lumière d'un soleil favorable, s'ouvrira le bourgeon et il deviendra fleur. Déja des paysages passés renaissent les pages présentes, l'écriture me reprend et le roman se déroule. Comme terrain pour planter mes racines j'ai choisi par hasard celui de mes ancètres proches et éloignés et je découvre en image et en vrai et d'une joie enfantine l'histoire de la rencontre des mes parents ou celle de l'épopée de l'entreprise de mon grand-père. De notre nouvel appartement au sol à retaper, investi le 1er juillet et pas encore ni repeint ni bien aménagé, qui fait face à l'école des Arts et Métiers de Lille, je regarde par les immenses et lumineuses fenêtres des deux chambres, de la grande cuisine ou du salon, passer les couches de nuages légendaires du Nord de la France, comme les regardaient mes parents et mes grand-parents. Après avoir connu Wazemmes et son bouillonnement de vie dans un dernier mouvement de quelques mois avant de nous poser, le calme parc Jean-Baptiste Lebas et la rue Brûle Maison deviennent aujourd'hui les piliers de mon lent quotidien, alors que j'accompagne Nico vers son nouveau bureau en claudiquant a travers le parc comme le bourgeon que je suis.
Mon immobilité relative alors que je porte en mon ventre un avenir inconnu, et l'été désert de la France en vacances, sont propices à la retrospection, à l'analyse consciente et surtout inconsciente des expériences des derniers mois, pour mieux me choisir en janvier une voie qui parle à mes aspirations: gestion de projets dans l'Économie Sociale et Solidaire, enseignement et formation; statut d'indépendante partageant mon quotidien avec les coroutiniers de mon espace de travail partagé, ou poste salarié dans une structure correspondant à mon état d'esprit. Et pourquoi pas, après tout, Bed and Breakfast, ou encore simplement un temps pour moi, pour écrire et publier, et pour celui ou celle qui s'en vient. Le destin ne se force pas: les réponses viennent quand elles ont bien mûri. J'attends l'automne pour ouvrir mes pétales, quand j'aurai donné la vie, en septembre ou octobre.
Le bourgeon, en attendant, s'épanouit. Mon ventre de jour en jour s'arrondit, avec pour l'instant 95cm de large pour 1m57 et 8kg en plus, sous la pression des petits pieds et des petites mains d'un nouvel être que j'apprends peu a peu a connaître, avant même qu'il n'ait pour la première fois respiré l'air de notre monde. L'image du bourgeon devient de fait très concrète, physiquement par la forme de mon corps, métaphoriquement par la vie que je porte, psychologiquement par la relation intime que j'ai avec moi même et avec mon enfant. Sentir ses réactions aux caresses et aux sons, a mon contact volontaire ou à mon environnement involontaire. Des petits coups, des coups plus appuyés, des étirements de ses membres qui tirent aussi la peau de mon ventre (douloureusement parfois) et qui voudraient presque dire “donne moi un peu plus de place!”, des mouvements que j'ose qualifier de tendres et qui répondent aux miens; d'autres plus frénétiques et qui marquent une angoisse (perdu son pouce?), ou même, souvent, un hoquet qui l'énerve et lui fait boxer tout ce qui l'entoure. Malgré les paroles et les gestes partagés, le toucher de mon ventre par d'autres dont Nico le premier, les explications des sensations que j'éprouve par un vocabulaire aussi varié que difficilement approprié, faire ressentir aux autres ce que ressent la femme enceinte est probablement aussi litteralement impossible que de faire ressentir la naissance à celui qui l'a oubliée ou la mort à celui qui ne l'a pas encore vécue, ou au moins risquée. Un état physique nouveau, mystérieux ou miraculeux, ni maladif ni quotidien, qui apporte à la richesse de la nature animale et mamifère de l'être humain.
Quel sera justement la nature de ce nouvel être? Quel sera le changement animal qui nous fera devenir parents? Mère, je le suis déja; maman, peut-être pas encore. Et la paternité, qu'est ce que ce sera pour Nico? Comment saurons-nous nous enrichir de ce cadeau vital sans nous renier ni chacun ni à deux? L'émerveillement du quotidien ne risque-t-il pas de nous faire oublier les autres richesses du monde? Déjà je fais des projets de voyages et des projets de vie, refusant à l'avance comme l'ont fait Fred et Céline d'oublier qui je suis. La vie m'a bien assez appris que c'est en étant soi même qu'on donne le plus aux autres, et je veux croire que la règle est aussi vraie pour son enfant et que c'est aussi la meilleure manière de le ou la pousser à être pareillement soi-même. Suivre son art de vivre, donc, quelque soit le regard, parfois le jugement, des autres, face à nos comportements parfois vus comme peu conventionnels, ou pour d'autres trop conventionnels.
Ainsi je vais sur mon chemin, gros bourgeon au ventre rond portant petit bourgeon sur petite tige pas trop grossie, poupée gigogne grace à la cigogne. La naissance me tarde parfois, malgré l'angoisse de l'accouchement médicalisé, quand je ne sais plus lacer mes chaussures à cause de mon gros ventre ou que le sommeil me fuit car j'ai trop mal au dos. Heureusement, les hormones sont là pour me garder sereine! Je pense alors avec humour au sketch de Foresti sur la grossesse, sur le pacte des femmes pour ne pas dire aux suivantes à quel point porter la vie peut parfois être dur, et je ris. Le plus dur n'est sans doute pas les symptomes, qui sont plus que compensés par la présence quasi permanente des manifesations de bébé (il / elle bouge presque 20h par jour!), mais l'ennui, qui vient de plus en plus au fur et à mesure que je peux en faire de moins en moins. Pas de sport, peu de marche, dur de se pencher, fatiguée bien trop vite, pas de fête ou de danse, la tête dans les nuages ou dans la brume de la fatigue chronique... Parfois, je ne me reconnais pas. Gare à ce que l'ennui ne devienne pas amertume et à ce que l'immobilité enracinée ne deviennent pas enquistée. Mais patience, patience: mes pétales sont presque prêts. La fleur sera bientôt prête à, à nouveau, prendre le vent, et à goutter les joies partagées de l'enracinement et de la liberté.
Qui sait alors où je serai portée? En kite au-dessus du port de Dunkerque dont j'observe aujourd'hui la digue et les vagues tricolores grises-bleue-vertes, ou en avion par-dela l'un des Océans, ou peut-être même, comme Philémon, sur l'une de ses lettres, dans le monde de l'imaginaire.
C'est là que je me pose. Que la fleur prend racine. Que je prends le temps du temps.
Car la vie ne croît vraiment que sur le temps long. Si Montréal m'a appris à voler, à me laisser porter par les vents vers mille rivages qui venaient sans douleur imprégner tout mon être en vagues incessantes et douces, la vieille Europe m'a ramenée en des lieux ou après avoir engorgé comme une éponge la richesse du monde on est capable de la faire germer. Les paysages deviennent des pages et les idées des projets, les intuitions des arts de vivre et les incertitudes des chances d'apprendre.
Pages, projets, arts de vivre et chances d'apprendre ont pourtant besoin de temps avant de s'exprimer clairement, surtout dans l'atmosphère de relative suspicion de ce vieu continent qui a peur de lui même. Ces avenirs concrets possibles poussent en nous dans le silence et l'absence de lien, dans l'inconscience du sommeil et le manque de relations humaines. Comme en creu, comme un manque qui vient se combler de soi même. Il serait faux de dire qu'aucune page ni aucun projet ne peuvent se construire rapidement et dans une dynamique commune; mais parfois, d'autres pages et d'autres projets ont besoin de solitude et de temps pour devenir solides et durables. De la richesse du vol qu'on a aimée dans le ciel, on apprend la richesse du sol et de la terre, des saisons et des rocs. On laisse ses racines enfin pousser un peu, juste ce qu'il faut pour savoir ou l'on est.
Autour de nous alors se dessine un paysage nouveau et inattendu: celui qu'on se dessine soi même. Il est plus douloureux dans les efforts qu'il demande à construire et moins surprenant peut-être au départ que ceux que l'on a croisés en planant sur le monde, mais ce sont ses détails qui tout a coup surprennent. La couleur chaude et douce de la fleur agréable poussée sans crier gare du mélange pourtant doux-amer des souvenirs enfin sortis des boites; la douceur renouvelée et rassurante de la lumiere qui filtre à travers les feuilles claires des arbres d'un chemin quotidien dont on avait peur il y a peu. On se retrouve comme on retrouve un vieil ami: un peu intimidé et sans toujours comprendre qui on est devenu; mais serein. On se retrouve en soi, sans pouvoir vraiment en parler a quiconque; car le bourgeon timide garde pour lui les plis de ses pétales et le sommeil qui le garde engourdi.
Bientôt pourtant et en toute discrétion, dans la douce lumière d'un soleil favorable, s'ouvrira le bourgeon et il deviendra fleur. Déja des paysages passés renaissent les pages présentes, l'écriture me reprend et le roman se déroule. Comme terrain pour planter mes racines j'ai choisi par hasard celui de mes ancètres proches et éloignés et je découvre en image et en vrai et d'une joie enfantine l'histoire de la rencontre des mes parents ou celle de l'épopée de l'entreprise de mon grand-père. De notre nouvel appartement au sol à retaper, investi le 1er juillet et pas encore ni repeint ni bien aménagé, qui fait face à l'école des Arts et Métiers de Lille, je regarde par les immenses et lumineuses fenêtres des deux chambres, de la grande cuisine ou du salon, passer les couches de nuages légendaires du Nord de la France, comme les regardaient mes parents et mes grand-parents. Après avoir connu Wazemmes et son bouillonnement de vie dans un dernier mouvement de quelques mois avant de nous poser, le calme parc Jean-Baptiste Lebas et la rue Brûle Maison deviennent aujourd'hui les piliers de mon lent quotidien, alors que j'accompagne Nico vers son nouveau bureau en claudiquant a travers le parc comme le bourgeon que je suis.
Mon immobilité relative alors que je porte en mon ventre un avenir inconnu, et l'été désert de la France en vacances, sont propices à la retrospection, à l'analyse consciente et surtout inconsciente des expériences des derniers mois, pour mieux me choisir en janvier une voie qui parle à mes aspirations: gestion de projets dans l'Économie Sociale et Solidaire, enseignement et formation; statut d'indépendante partageant mon quotidien avec les coroutiniers de mon espace de travail partagé, ou poste salarié dans une structure correspondant à mon état d'esprit. Et pourquoi pas, après tout, Bed and Breakfast, ou encore simplement un temps pour moi, pour écrire et publier, et pour celui ou celle qui s'en vient. Le destin ne se force pas: les réponses viennent quand elles ont bien mûri. J'attends l'automne pour ouvrir mes pétales, quand j'aurai donné la vie, en septembre ou octobre.
Le bourgeon, en attendant, s'épanouit. Mon ventre de jour en jour s'arrondit, avec pour l'instant 95cm de large pour 1m57 et 8kg en plus, sous la pression des petits pieds et des petites mains d'un nouvel être que j'apprends peu a peu a connaître, avant même qu'il n'ait pour la première fois respiré l'air de notre monde. L'image du bourgeon devient de fait très concrète, physiquement par la forme de mon corps, métaphoriquement par la vie que je porte, psychologiquement par la relation intime que j'ai avec moi même et avec mon enfant. Sentir ses réactions aux caresses et aux sons, a mon contact volontaire ou à mon environnement involontaire. Des petits coups, des coups plus appuyés, des étirements de ses membres qui tirent aussi la peau de mon ventre (douloureusement parfois) et qui voudraient presque dire “donne moi un peu plus de place!”, des mouvements que j'ose qualifier de tendres et qui répondent aux miens; d'autres plus frénétiques et qui marquent une angoisse (perdu son pouce?), ou même, souvent, un hoquet qui l'énerve et lui fait boxer tout ce qui l'entoure. Malgré les paroles et les gestes partagés, le toucher de mon ventre par d'autres dont Nico le premier, les explications des sensations que j'éprouve par un vocabulaire aussi varié que difficilement approprié, faire ressentir aux autres ce que ressent la femme enceinte est probablement aussi litteralement impossible que de faire ressentir la naissance à celui qui l'a oubliée ou la mort à celui qui ne l'a pas encore vécue, ou au moins risquée. Un état physique nouveau, mystérieux ou miraculeux, ni maladif ni quotidien, qui apporte à la richesse de la nature animale et mamifère de l'être humain.
Quel sera justement la nature de ce nouvel être? Quel sera le changement animal qui nous fera devenir parents? Mère, je le suis déja; maman, peut-être pas encore. Et la paternité, qu'est ce que ce sera pour Nico? Comment saurons-nous nous enrichir de ce cadeau vital sans nous renier ni chacun ni à deux? L'émerveillement du quotidien ne risque-t-il pas de nous faire oublier les autres richesses du monde? Déjà je fais des projets de voyages et des projets de vie, refusant à l'avance comme l'ont fait Fred et Céline d'oublier qui je suis. La vie m'a bien assez appris que c'est en étant soi même qu'on donne le plus aux autres, et je veux croire que la règle est aussi vraie pour son enfant et que c'est aussi la meilleure manière de le ou la pousser à être pareillement soi-même. Suivre son art de vivre, donc, quelque soit le regard, parfois le jugement, des autres, face à nos comportements parfois vus comme peu conventionnels, ou pour d'autres trop conventionnels.
Ainsi je vais sur mon chemin, gros bourgeon au ventre rond portant petit bourgeon sur petite tige pas trop grossie, poupée gigogne grace à la cigogne. La naissance me tarde parfois, malgré l'angoisse de l'accouchement médicalisé, quand je ne sais plus lacer mes chaussures à cause de mon gros ventre ou que le sommeil me fuit car j'ai trop mal au dos. Heureusement, les hormones sont là pour me garder sereine! Je pense alors avec humour au sketch de Foresti sur la grossesse, sur le pacte des femmes pour ne pas dire aux suivantes à quel point porter la vie peut parfois être dur, et je ris. Le plus dur n'est sans doute pas les symptomes, qui sont plus que compensés par la présence quasi permanente des manifesations de bébé (il / elle bouge presque 20h par jour!), mais l'ennui, qui vient de plus en plus au fur et à mesure que je peux en faire de moins en moins. Pas de sport, peu de marche, dur de se pencher, fatiguée bien trop vite, pas de fête ou de danse, la tête dans les nuages ou dans la brume de la fatigue chronique... Parfois, je ne me reconnais pas. Gare à ce que l'ennui ne devienne pas amertume et à ce que l'immobilité enracinée ne deviennent pas enquistée. Mais patience, patience: mes pétales sont presque prêts. La fleur sera bientôt prête à, à nouveau, prendre le vent, et à goutter les joies partagées de l'enracinement et de la liberté.
Qui sait alors où je serai portée? En kite au-dessus du port de Dunkerque dont j'observe aujourd'hui la digue et les vagues tricolores grises-bleue-vertes, ou en avion par-dela l'un des Océans, ou peut-être même, comme Philémon, sur l'une de ses lettres, dans le monde de l'imaginaire.