jeudi 29 novembre 2012

La nécessité du désapprentissage, ou pourquoi on oublie... Ou pourquoi essayer de se rappeler

Colline a 14 mois. Comment était-elle, déjà, il y a un an ? Ces quelques pages sont là pour me le re dire, car bientôt je ne m'en rappelle déjà plus. "A quelle âge a marché ton fils"? Je demande à mon amie, alors que Colline fait ses premières pas de grandes il y a tout juste quelques jours, sans nous tenir la main. "Oh... Je ne sais plus trop", me répond mon amie.

C'est vrai, ce moment est souvent marqué d'une pierre blanche. A quel titre ? Une prouesse bien plus grande que de savoir saisir les objets, manger en mâchant, se tourner sur soi même ? Prouesse factice en fait, faite d'une évolution quotidienne depuis plusieurs mois, et qui nous surprend peu le jour où cela arrive, car on s'y attendait.

Bref, même cette date là, celle où l'enfant marche, parfois, on l'oublie; à moins de la noter, en mot ou en pensée, pour faire en sorte de se la rappeler. Parce que quand on est parents, on oublie tout. D'abord l'accouchement. Puis les nuits à ne pas dormir. Les pleurs qui serrent le ventre. Les bobos qui saignent parfois. Mais les prouesses aussi, les étapes, les pas de plus dans la vie, on les oublie.

On oublie, parce qu'on est dans le présent. La seule manière de partager avec l'enfant. L'avenir, le passé, il n'en n'a que faire. Il a besoin que vous le compreniez, là, maintenant. Pas que vous vous rappeliez qu'il y a deux semaines encore il prenait un biberon le soir; mais bien que là, maintenant, il n'en veut pas, et que c'est normal.

Être parent, c'est apprendre la nécessité du dés-apprentissage. Être présent au présent, comprendre l'enfant dans son actualité, qui change tout le temps, si vite. Tellement vite qu'il est dur d'accumuler, comme une base de données, à la fois le souvenir précis et ponctuel de son état passé, et la compréhension subtile et évolutive de son état présent. Quant au futur, oubliez le, il se rappellera bien à temps à vous !

Ce présent, il vous emplit tellement, que vous vous oubliez aussi. Pas dans vos désirs, ou vos besoins, de peur de faire s'écrouler le château de vous même sur lequel vous avez tout construit. Mais vous oubliez votre passé, dans sa ponctualité. Comment étiez-vous, à 4 ans ? A 5 ans ? C'est loin ! Ça se mélange avec ce que vous voyez de l'enfant. Vous vous étiez pourtant bien dit "quand je serai grande, je saurai me rappeler de comment j'étais" parce que "mes parents devraient comprendre ce que je ressens, ils sont passés par là"; et oui, mais c'est le fait même de devenir à son tour parent qui tend à occulter l'enfant qu'on a été.

Alors, il faut prendre le temps. Le soir, la nuit, au milieu de vos rêveries et de vos rêves, rappelez vous. Rappelez vous comment vous étiez, petit. Le monde incroyable que vous vous inventiez. Pourquoi c'était normal de croire qu'une vache pouvait voler, et qu'il était bien stupide de vouloir vous empêcher de jouer dans la boue. Rappelez vous le besoin incommensurable de câlins et de bisous, et combien vos parents étaient vos piliers.

Alors en se rappelant, parfois, on réussit à faire le lien entre la compréhension présente de l'enfant et le souvenir du passé. Et on accepte, si facilement, les pleurs et les entêtements, comme des états d'âmes magnifiques nous dévoilant le monde magique et profond de l'enfance.

jeudi 11 octobre 2012

Je suis un être humain

Merci à Anne d'avoir partagé avec nous cette petite merveille... Merci aux auteurs-réalisateurs...

lundi 18 juin 2012

Se couper en....

Retour d'un week-end chargé; en visites, en amitié, en émotion. Et sentiment de frustration. Le couteau tranche, tombe, coupe, se relève, révélant tour à tour des tranches fines de courgette, de banane ou de pommes prêtes à être enfournées dans le babycook; une pour papa, une pour maman, une pour Colline... Une pour Florian, une pour Thomas, une pour Agnès... Une pour Oncle Tom, une pour tata Rachel, une pour Granny.... Une pour Marjo, une pour Dorian, une pour Sophie... Et une pour moi, parfois ? Le mercredi, t'as le droit. Droit d'être toi, droit de courir, droit de grimper.... Droit de ranger, droit de cuisiner, droit de remplir des papiers !! Écrire ? Tu le feras après. Pour l'instant, c'est le temps de se couper en mille, de donner ces morceaux à tout le monde, de supporter la frustration de ceux qui te voudraient entière, et la tienne propre à ne pas plus donner; à ta fille, que dans tes bras toujours tu voudrais serrer. A tes amis, que d'une oreille attentive toujours tu voudrais écouter. A ton amour, que tous les jours tu voudrais cajoler. Équilibre à trouver, pour à tout le monde donner assez, sans pour autant te fragmenter. Colline qui crie de joie quand tu la vois, et tu te dis qu'elle grandit et que demain il sera trop tard. Trop tard pour l'observer, trop tard pour lui parler, trop tard pour rire avec. Ton ami(e) qui te parle, ta fille qui t'interrompt, dans les yeux des deux, de l'incompréhension. Être parent, être maman... Apprendre à se couper en 3, en 4, en dix, et avoir autant d'yeux et d'oreilles que d'êtres aimés qui t'entourent. Et espérer, oui surtout espérer, que tes amis comprendront que lorsque tu ne les regardes pas tu les écoutes quand même, mais que ton œil doit rester sur sa bouche pour s'assurer qu'elle n'avale rien qui puisse l'étouffer. Que quand tu t'interrompt pour dire à ta fille "bravo" ou "non" c'est parce que c'est maintenant ou jamais, et que pour autant tu la veux, la suite de leur histoire, leur quotidien à eux, qui fait que tu les aimes. Et là tu penses à t'arrêter, à ne plus travailler, à retrouver du temps. Pour que chacun ait son créneau, pour ne pas tout mélanger, pour te donner entière et recevoir aussi. Le temps de remarquer qu'aujourd'hui il fait beau et qu'il est temps d'en profiter. Mais ne plus travailler, ne serait-ce pas se couper encore plus ? Comment savoir ?....

mardi 22 mai 2012

Mémoire dormante

Alors que ce dimanche après-midi nous sommes assis en cercle autour de la table de jardin de deux amis Montréalais, le temps s'arrête soudain le temps d'une conversation très hawkinnienne sur la nature linéaire ou cyclique du temps. Et de dire à Louis, après qu'il m'ait résumé `une brève histoire du temps` : `je suis dans une autre dimension spacio-temporelle`. Pas si faux. Si cette semaine à Montréal quittée hier a ressemblé à une répétition improbable du cycle 2007-2010, elle n'est pas pour autant une redite identique, mais bien un cycle renouvelé où nous nous retrouvons nous-même et retrouvons nos amis avec la richesse du temps passé entre-temps. Comme le temps qui atteindrait un pôle et revirerait sur lui-même, nous atterrissons soudain dans une nouvelle dimension. La dimension de la mémoire dormante.

Etonnés d'abord et débousolés par le décalage horaire, en proie à une certaine inquiétude pour notre petite fille sans défense que nous trimballons de ci de là autour du globe, chaque jour dans de nouveaux lits chez de nouveaux amis, nous vivons décallés pendant presque trois jours. Là mais sans l'être, impreignés de cette culture que nous avons tant vécue, mais dans notre peau de français encore, ne comprenant pas ce que les gens nous disent (en québécois) mais voguant sur une étrange vague de bien-être et de confort. Sans temps aucun, enfin, pour nous soucier de ce décalage, puisqu'après tout nous avons tant à faire avec les retrouvailles, des amis, de la ville; et le partage : entre nous deux, entre nous trois. La rue Saint Laurent qui déroule sous nos pas, le parc du Mont Royal qui nous offre ses écureuils, un brunch puis deux à coup d'oeufs tournés ou miroirs et de poutine chez Claudette....

Et puis la mémoire dormante se réveille. Elle n'est ni l'inconscient dont parle Freud, ni la mémoire telle qu'on la dit, celle qui voit les souvenirs et les sourires, des événements et des choses. La mémoire dormante : celle de l'autre dimension. Celle que le cerveau a consciemment vécu pendant un temps, pour la mettre ensuite en sommeil car elle ne servait plus. Celle qui, pourtant, ne s'oublie pas. Celle du vélo, celle de la nage. Celle du nom des rues. Des stations de métro. Des magasins. Et du parler, enfin; de la langue si chantante du Québec. On est à nouveau Montréalais.


Au bout de 3 jours, j'suis p'us cabab' de parler autrement que comme ça. C'est comme... normal. Je tutoie les serveurs, trouve la pointe et l'intonation, me fait même dire, dimanche, que mon accent est facile à comprendre pour une anglophone qui a appris le français avec des Québécois de Sherbrooke. Les numéros à nouveau s'épellent en "5-1-4" au lieu de "0-6". Nico, lui, me dit rêver en Québécois. C'est-tu si étonnant que ça ?

Quelle richesse alors on découvre en soi. Richesse de deux cultures, de plusieurs dimensions de pensées, de plusieurs choix de vie. Cette vie là bas nous reste ouverte, nos amis nous parlent comme hier, nous leur parlons comme demain. On fait l'party ensemble avec des bières de là bas, on les invite en France pour goûter la bière des chtis. On sait que certains seront toujours partie de nos vies, qu'on s'reverra plus tôt qu'on le croit. Que le Québec, plus qu'un souvenir, est part de nous, ensommeillée du serein sommeil translucide de Rodin.

On conscientise, aussi, cet habit québécois et cet habit français. On fait des liens. La "coopération" québécoise, si admirée en France, pourrait-elle exister sans l'individualisme, la confiance et la prise de risque? Et un Français serait-il prêt à cet individualisme pour atteindre la coopération? Comme me le disait un ami émigré à Montréal de très longue date, le choix doit être fait entre "se sentir seul parfois, ou avoir un voisin sympatique qui veut sans cesse savoir ce que j'ai dans mon assiette". Seul l'individualisme permet une logique de coopération réellement efficace car non entravée par certains détails bien français : possessivité envers les autres, recherche de reconnaissance, comptes à rendre et susceptibilité. Comme le disais Baudry dans son livre "Français / Américains, l'autre rive", nous Français vivons par le groupe dans une notion de responsabilité collective et d'attachement à tous prix; de l'autre bord de l'Atlantique, il semblerait que le groupe soit moins majeur au développement de chacun, donc dédramatisé.




Ainsi va donc ce dernier dimanche au soleil de Montréal, sous trente degrés qui tapent et nous font vivre tout au ralenti. Nos derniers mots sont pour nos enfants, quatre petits êtres qui s'égaillent ou s'égosillent dans le jardin à la verte pelouse. Devant nos doutes de parents encore naissants, nous découvrons avec bonheur le partage de points de vue entre cultures différentes et espérons insuffler cette joyeuse diversité à nos chères têtes souriantes, pour les rendre, peut-être, plus libres et plus heureux.


dimanche 1 avril 2012

Re(de)(ux)venir




Robert Charlebois en son temps l'avait chanté, par Ariane Moffatt vite confirmé, "je reviendrai à Montréal, dans mon Boeing bleu de mer"... "je reviens à Montréal, la tête gonflé de nuages"... "en format original, je rentre à Montréal...", "je serai rentrée à la nage, si je n'avais pas eu tant de bagages."


Ariane Moffatt Retourne à Montreal par metal83

Le 13 mai, ce grand Boeing bleu de mer ou un autre nous ramènera en effet à Montréal pour une semaine. Une semaine de soleil ou contrairement à Charlebois nous ne goûterons pas la neige et l'hiver, car ce ne sont pas eux qui nous manquent.

Ceux qui nous manquent, c'est vous. Vous autres Québécois qui faites un peu partie de nous; vous autres amis français qui avez choisi ce pays. Ceux qui nous manquent, aussi, c'est nous. Les nous que vous nous avez aidé à devenir ou que vous nous avez vu devenir lorsqu'on était chez vous. Revenir, c'est un peu redevenir. Enlever son manteau de Français et remettre ses gougounes du Québec, ôter ce vouvoiement qu'on adopte sans cœur et dire tu à tous ces inconnus, apporter quelques becs bien de chez nous pour compléter les hugs d'Elvis Gratton et les soupirs de Léolo.

Se retrouver un peu, donc, sans les couches historiques des quatre derniers siècles du vieux continent, la Vieille Europe. Presque, aussi, comme si c'était sans les couches, plus récentes et moins historiques, de notre chère Colline. Ce petit goût de Québec qui nous passe sur les lèvres en parlant du voyage à venir a un goût de l'avant et la saveur des amoureux. Il nous parle d'un temps où nous étions à deux et la main dans la main, les yeux vers le soleil où se cachait une Colline pas encore née. Il nous donne le souffle qui cet après-midi nous porte vers la terrasse des cafés et les parcs en bourgeon, notre fille sous un bras mais sans nous en soucier. Il nous rappelle d'avoir envie sans peur et plaisir sans contrainte, de voir ses pleurs et rires avec aisance et insouciance et ses couches et petits pots comme des jouets qu'on s'est nous même choisis.

Redevenir deux, tout en devenant trois. Dans la même liberté.

"Je reviens à Montréal, portée par un héritage... Enfin je suis un peu plus sage...." dit encore Ariane Moffat. La sagesse de l'Europe? Celle de la mère, plutôt. Et du père. Et du plaisir d'être trois.

Et qui sait ce(ux) qu'en "venant" à Montréal nous y (re?)découvrirons encore ?

dimanche 11 mars 2012

Le temps (n')est(-il) (pas) extensible ?

Quelques temps déjà que je pense écrire ce message et voilà que je me suis laissée prendre à mon propre jeu : celui du temps, qui tel un serpent se mord la queue. Les jours passent sans compter, égrainant sur leur cours les centimètres de Colline (qui a déjà 5 mois 1/2 !) et les milles rencontres de nos vies. Et puis un soir à 17h on se retrouve entre 10 couples de parents angoissés et d'enfants malades, tous plus âgés que Colline, dans la salle d'attente des urgences pédiatriques de l'hôpital Jeanne de Flandre, Colline pleurant de fatigue dans nos bras, et moi un bonnet jusqu'au cou pour réparer mon otite carabinée; alors, seulement, le temps s'arrête devant l'épuisement du corps qui ne suit plus.

Logistique à coups de chauffe-biberon, de porte-bébé, de cosy et de couches, et sang-froid à coup de portage à bras et de balades dans les sous-sol, puis au bout de quelques heures on nous laisse finalement "nous sauver", dans tous les sens du terme : rentrer enfin chez nous, vers 1h du matin. Retrouver nos affaires. Retrouver nos lits. Colline, fatiguée, dort. Elle mettra quelques jours à se remettre de cette grosse fatigue, des heures dans les couloirs à hurler de faim sans pouvoir manger, dans l'attente de l'échographie abdominale qui ne trouvera rien d'anormal à son estomac. Finalement rien de grave : ses vomissements quasi-quotidiens et sa perte d'appétit et de poids depuis 2 semaines seraient dus à une allergie aux protéines de lait de vache. La solution ? Changer de lait ! Déjà depuis 2 jours on en voit les effets : biberons qui s'engloutissent et joues qui redeviennent bien roses. Quant à moi, pas de problème de foie, et au bout de 10 jours je viens enfin à bout de ma gastro-laryngite-otite. Nico, fatigué, se remet doucement d'une semaine à tout faire seul à la maison.


Aujourd'hui, dimanche, première fois depuis des mois que nous sommes seuls tous les trois à la maison et que nous n'avons rien de prévu. Pas d'amis ou de famille à voir, pas de visites, juste nous et notre confort. Il aura fallu ça pour que nous reprenions enfin la liberté que nous avions au Québec : celle, si peu aimée en France, de "tchocker", dont la plus proche expression française serait "poser un lapin". Même si, dans les fait, on prévient souvent quand on tschocke : il s'agit plutôt d'annuler un engagement. Aujourd'hui, on en a annulé 2 : un ami qui devait depuis 2 mois venir nous rendre visite de Bruxelles, et des amis que nous essayons de voir depuis 3 mois... La liste des gens à voir est longue, et la liste d'attente s'allonge bien malgré nous. Alors après tout qu'importe si parfois on "tchocke", en toute amitié, quand c'est notre tranquillité, notre santé, notre bonheur, qui est en jeu ? Quand les engagements sont si nombreux qu'ils remplissent tout notre "temps libre" ? Quand annuler un rendez-vous prévu veut dire passer du temps au calme, mais veut aussi dire mieux profiter d'une rencontre fortuite ? 

France, pays de la culpabilité, où je me sens depuis 1 an plus responsable et plus coupable que tout ce que j'ai pu ressentir en trois ans et demi à Montréal. Encore plus en tant que mère qui travaille. France, pays du devoir, où l'on se lève le matin parce qu'on "a des choses à faire", semaine ou dimanche, où même dans la plus grande fatigue on continue d'avancer car "on a promis qu'on irait". France, le seul pays où Benabar a pu inventer cette chanson, "le dîner"...

J'veux pas y'aller à ce dîner,
J'ai pas l'moral, j'suis fatigué,
Ils nous en voudront pas, allez on n'y va pas.
En plus faut que je fasse un régime ma chemise me boudine,
J'ai l'air d'une chipolata,
Je peux pas sortir comme ça.
Ça n'a rien à voir je les aime bien tes amis,
Mais je veux pas les voir parce que j'ai pas envie.
On s'en fout, on n'y va pas,
On n'a qu'à se cacher sous les draps,
On commandera des pizzas, toi la télé et moi,
On appelle, on s'excuse, on improvise, on trouve quelque chose
.....

On est rentrés en France pour partager du temps avec tous ces gens qu'on aime, mais pour partager avec l'autre, encore faut-il être soi. Pour profiter du temps avec l'autre, encore faut-il passer du temps avec soi. Encore faut-il comprendre, enfin, que le temps tout à la fois n'est pas extensible et pourtant l'est tout à fait. Il n'y a qu'une vie, qu'une année dans une année, que 24h dans une journée et que 60mn dans une heure; mais on fait ce qu'on veut (et parfois ce qu'on peut) avec ce temps, y compris au dernier moment, dans le respect de notre bonheur et de notre liberté, en priorité. Si on ne sait pas prendre soin de nous, personne ne le fera à notre place, comme me disait en 2008 un ami perdu de vue de la ville enneigée.

Regarder chaque jour comme une page vierge plutôt qu'un agenda rempli. Se dire que la page se remplit au fur et à mesure et jamais en avance. Un jour futur n'est pas un jour passé, et l'heure qui vient n'appartient, au fond, qu'à vous. A vous de savoir si vous voulez y dormir ou y travailler, y pleurer ou y rire, y être seul ou accompagné. A vous de savoir ce qu'il vous faut, à cet instant, pour équilibrer votre propre harmonie. Déplacez ses rendez-vous, tous les jours s'il faut, en s'excusant au besoin, mais avant tout vivre pleinement, pour soi, pour la vie, et pour ceux qu'on aime.

Alors si demain nous ne sommes pas là avec vous, comme si demain vous n'êtes pas avec nous, pensons chacun les uns aux autres avec joie en se disant que cette absence est la preuve de notre liberté et de notre bonheur, et que la présence de demain voudra encore d'avantage dire le bonheur de se revoir. 

Mise à jour à 20h... Nos amis que nous cherchions à voir depuis 3 mois sont finalement passés nous voir en fin d'après midi, rapportant du gâteau et un magnifique cadeau pour Colline.... Plaisir de l'imprévu !

Rencontre des cousins, février 2012(mot de passe, Colline)



"Sainte Colline" se repose

dimanche 5 février 2012

12 mois : une courbe qui monte et qui descend

Confusion. C'est le mot qui me traverse l'esprit lorsque je sors de chez la sage-femme mi-décembre. La veille au soir, j'ai dit à Nico que j'avais besoin qu'il donne sens à mon corps. Pour la première fois depuis longtemps, je perds une plénitude propre à la grossesse, à la maternité. 

La sage-femme me dit que toutes les femmes ne ressentent pas le même sentiment. Certaines restent à jamais fusionnelle avec leur enfant; d'autres, au contraire, ne ressentent jamais ce sentiment de fusion si intense que son arrêt est presque un deuil. Pour moi, la grossesse aura duré 12 mois: le temps d'une courbe qui monte et puis qui redescend. On n'est pas enceinte: on le devient; on n'est pas "libérée" par l'accouchement: on le devient. Le corps, pendant longtemps, est l'hôte d'un, d'une autre. Il doit être protégé, choyé, entretenu, pour l'autre.

Puis un jour, le corps de l'autre n'a plus un besoin fondamental du vôtre. On pourrait croire que c'est lorsqu'on arrête d'allaiter qu'on ressent ce vide soudain; pour moi, c'est le sentiment de vide qui m'a poussée à ralentir tout doucement l'allaitement. Le sentiment que ma fille savait sans peine vivre sans.

Et moi, sans elle sur mon sein pour donner du sens à mon corps, ai regardé soudain mon propre nombril et me suis sentie faible. Plus d'abdominaux, pas même assez pour me relever quand j'étais sur le dos. Un ventre mou et sans défense, symbole de la douceur accueillante de la mère, mais sans la tonicité propre à mon caractère. Un ventre où la main s'enfonce sans peine quand on appuie; où la peau s'étire sans peine quand on la pince. Quelques kilos de trop, aussi. Et tout à coup, je me suis dit, "si je voulais, je ne pourrai même pas grimper à l'arbre".

Et j'ai voulu redevenir moi; mais comment se retrouver quand on s'est perdu de vue depuis presque 12 mois; ça prend du temps. Le regard de l'autre, des autres, aide un peu, parfois. Les efforts, aussi. 5 semaines que tous les matins je me lève aux aurores pour remuscler mon corps, jusqu'à ce qu'enfin je sente à la place du vide les muscles qui me permettent de courir, de parler de ma voix haute (impossible sans abdo!), de me relever sans l'aide de mes bras, de sauter, enfin, dans les bras de mon amoureux. Des muscles, aussi, qui me servent à mieux serrer ma fille dans mes bras.

Et puis vient le travail, qui passionne et préoccupe à la fois, qui pousse les neurones dans des connections renouvelées; et la première "sortie de filles", pendant que Nico est avec ses copains et Colline avec ses grand-parents. Les premières danses, où l'on se rappelle son corps d'avant. Qui, certes, pourrait bien garder quelques marques... Mais si Foresti le prend avec humour, pourquoi pas moi ?

Une grossesse dure-t-elle vraiment 9 mois ? Certaines diront qu'elle dure 2 ans avec le temps de restriction imposé par la volonté préalable d'être enceinte. Pour d'autre, comme moi, c'est 12 mois. Pour d'autres, c'est tout une vie.

Et pour le papa ? 5, 6 mois, sans doute; le moment où la courbe est au plus haut. Mais seul lui pourra vous le dire !