dimanche 18 décembre 2011

1, 2, 3 : chacun sa vie !


Et une vidéo de Colline au Réveil: mot de passe: colline



 A vos marques, prêts ? Partez ! 9h10, lundi matin : départ chez la nounou. Bras dans une manche et bonnet de travers, Colline râle un peu que je lui mette son manteau, puis me regarde attentivement quand je lui dis : "on va chez Salma"; et là, elle me sourit de toute sa bouche (à défaut de toutes ses dents)... Alors qu'elle n'a que 2 mois et demi ! Arrivée chez Salma, c'est à elle qu'elle sourit, encore. Hadia, fille de Salma, 15 mois, accueille Colline les bras ouverts en titubant vers la porte d'entrée: "Bé-bé!", dit-elle, heureuse. Elle va pouvoir, comme tous les jours, faire de petites caresses sur le visage et les mains de Colline et faire le gué près de son transat, et bien sûr lui chanter des chansons et des comptines en dansant devant elle.

2 semaines ont passé depuis que Colline a passé sa première journée chez sa nounou. 2 semaines Colline a sa vie et moi la mienne. Et voilà que je croise l'autre jour la maman de Raphaël, petit garçon de 12 mois gardé lui aussi par Salma. Et tout à coup je me rends compte: Colline la connaît bien, cette maman-là. Elle la voit tous les jours! Et moi, c'est la première fois que je la croise. Ma fille connaît des gens que je ne connais pas; comme c'est étrange, quand on sort d'une période de 2 mois et demi de fusion totale à être ensemble 24h / 24, sauf garde exceptionnelle pendant une heure ou deux. Là, c'est 8h par jour que nous passons chacune de notre côté. Chacune fait ses rencontres et ses découvertes; et chacune, le soir, raconte à l'autre.

Raconte, oui. Je me surprends hier à dire à la pharmacienne que notre fille "parle". Certes non, ce n'est pas des mots qu'elle utilise pour s'exprimer. Mais quand, le soir, je la ramène à la maison, et que goulûment elle m’attrape le sein pour téter après une journée à goutter mon lait au plastique de la tétine, elle me dit tant de choses... Par son regard, d'abord; plongé dans le mien, absorbant mes paroles, profond jusque son âme. Puis, quand elle est un peu repue et peut un peu attendre, par ses "pauses-sourires" au milieu de la tété. Elle décroche, lève la tête, me regarde encore, et dit "aheuh" à toute berzingue en souriant autant qu'elle peut. Puis c'est "papa qui rentre", ce moment si intense où j'entends l'ascenseur et où Colline s'agite en entendant son papa qui arrive. Après, on discute tous les trois. 1, 2, 3: chacun nos vies.

Nico raconte sa journée au travail; je raconte ma journée de travaux, de rencontres ou de ré-éducation. Colline nous regarde, se marre franchement, répond aux "coucou" par des "aheuh", parfois pendant plus de 30mn. Quels échanges ! Qu'est ce que ce sera quand elle parlera ! Déjà dans quelques semaines elle chantonnera sans doute à son tour, produira de nouveaux sons et fera de nouveaux gestes qui la confirmeront aux yeux du monde comme la personne à part entière qu'elle est déjà. Quant à moi, dans quelques semaines, j'irai à nouveau quotidiennement au boulot, puisque j'ai trouvé ma place en tant que consultante stratégie / RH / organisation interne pour des structures ESS (associations, coopératives, collectivités) dans l'équipe de Multicité; 2012, ça promet !

jeudi 1 décembre 2011

Le temps d'un (petit) bébé

Colline à la maternité à 1 jour, le 29 septembre 2011

7h, le réveil sonne. Comme souvent, je le repousse: pas envie de me lever. Nico, à côté de moi, dort encore; la plupart du temps, il n'entend pas le réveil et c'est moi qui lui dit d'ouvrir les yeux. Colline, dans sa chambre, dort aussi. Étrange, je me dis: d'habitude, quand on se lève, on pense souvent à ses souvenirs de la veille au soir. Là, je pense à cette nuit. À mon lever à 5h du matin au son des petites plaintes de ma petite fille affamée. À peine un cri, pas même le temps de pleurer: je suis déjà réveillée. Avec ou sans boule-quiez; il paraît que c'est les hormones. Or donc, me dis-je, quelle étrangeté de penser que depuis sa naissance, mes matinées sont rythmées par le souvenir de mes nuits, et non le souvenir de la veille. Mon temps a donc changé - il s'est comme "dédoublé", et donc en un sens rallongé. J'ai un temps de plus qui s'est callé entre le soir et le matin : celui du demi sommeil automatique dans lequel je me rends dans la chambre obscure de Colline, la prends doucement dans mes bras sans lui parler pour ne pas trop l'éveiller, puis m'assois sur le futon et la prends sur mes genoux pour lui donner mon sein. Puis 10 à 20mn de somnolence, pour elle et pour moi, où ma main de temps en temps vient caresser sa joue ou titiller son cou pour m'assurer qu'elle tête encore et ne s'est pas endormie, téton en bouche.

Le temps d'un bébé n'est pas celui de l'adulte; surtout à quelques semaines. D'un rapide calcul, Nico me disait l'autre jour qu'une semaine de son temps équivaut dans sa perception à quatre ans de notre vie. Elle a si peu vécu que chaque minute compte double, triple, dix fois plus. En retour, notre temps change aussi. Il est plus fragmenté, adapté au changement perpétuel d'humeur et de fatigue du petit être qui nous accompagne. La voilà qui ouvre les yeux et regarde partout; 15mn plus tard, elle pleurera de fatigue. Profiter de ces 15mn demande de savoir s'arrêter de tout faire, sans attendre, quand Colline nous prête de l'attention. Prendre soin de notre fille demande aussi de savoir s'arrêter de tout faire, sans attendre, quand Colline veut manger, être changée ou câlinée; c'est exigeant. Comme je le disais auparavant, un tout petit bébé ne sait pas attendre.

Mais surtout, le faire attendre revient à ne pas le connaître. C'est en suivant ses rythme par une fine observation qu'on arrive à passer des moments de partage, surtout tout au début. Quel effort, pour un adulte qui a ses propres occupations ! Quel sacrifice de sans cesse s'arrêter de tout faire, et d'être tant à l'écoute.

Mais pourtant quel plaisir d'avoir en retour des regards, et bientôt des sourires ! Le temps parait long sur le moment quand on ne fait pas "ce que l'on veut" mais l'on se rend vite compte que le temps paraot court quelques semaines plus tard quand on réalise que ses temps d'éveil sont déjà deux, trois, quatre fois plus longs que lors de ses deux premières semaines, et que déjà elle fait presque ses nuits (elle se couche à 20h au lieu de minuit!), et que déjà elle ne rentre plus dans ses pijamas. Le sacrifice était bien temporaire, et on en rit. Tout le monde le dit, mais on le vit: le temps passe vite, avec un enfant. A peine avez vous eu le temps de vous adapter qu'il ou elle a déjà changé, sans que vous de votre côté ayiez encore repris de l'activité. Quel exploit que de grandir....

Comme pour toutes les mamans, les premières semaines m'ont parfois paru difficiles, par la dépendance au bébé qu'elles impliquent, surtout quand on allaite. Avoir un bébé sur le sein pendant 3 à 4h par jour n'est pas rien, quand on pense que ce temps est passé immobile pour ne pas avoir mal aux seins, et les yeux dans les yeux pour rassurer bébé et l'aider à grandir sereinement et à s'épanouir. Si possible pas de TV, pas de bouquin, même si parfois on transgresse. Oui, ça parait long, cette liberté encadrée. Mais alors vient le temps de la nounou, quelques semaines plus tard - ou, pour certains, de la crèche. Le temps de tirer son lait si on veut comme moi continuer à le donner, ou le temps de sevrer son bébé pour beaucoup. La liberté désencadrée, le temps de faire ce que l'on veut. Et tout à coup on réalise que ces deux (ou trois) mois sont passés vite et que l'effort en valait bien la peine. Les 3 ou 4h par jour se résument finalement à 240 heures sur deux mois, ou 360 heures sur 3 mois, ou 720 heures sur 6 mois si on tire son lait. Total ? L'équivalent de 30 jours... Sur une vie qui en fait 28.800 ! (pour 80 ans). Ce que ça représente? 0,1/100 de votre vie.