7h, le réveil sonne. Comme souvent, je le repousse: pas envie de me lever. Nico, à côté de moi, dort encore; la plupart du temps, il n'entend pas le réveil et c'est moi qui lui dit d'ouvrir les yeux. Colline, dans sa chambre, dort aussi. Étrange, je me dis: d'habitude, quand on se lève, on pense souvent à ses souvenirs de la veille au soir. Là, je pense à cette nuit. À mon lever à 5h du matin au son des petites plaintes de ma petite fille affamée. À peine un cri, pas même le temps de pleurer: je suis déjà réveillée. Avec ou sans boule-quiez; il paraît que c'est les hormones. Or donc, me dis-je, quelle étrangeté de penser que depuis sa naissance, mes matinées sont rythmées par le souvenir de mes nuits, et non le souvenir de la veille. Mon temps a donc changé - il s'est comme "dédoublé", et donc en un sens rallongé. J'ai un temps de plus qui s'est callé entre le soir et le matin : celui du demi sommeil automatique dans lequel je me rends dans la chambre obscure de Colline, la prends doucement dans mes bras sans lui parler pour ne pas trop l'éveiller, puis m'assois sur le futon et la prends sur mes genoux pour lui donner mon sein. Puis 10 à 20mn de somnolence, pour elle et pour moi, où ma main de temps en temps vient caresser sa joue ou titiller son cou pour m'assurer qu'elle tête encore et ne s'est pas endormie, téton en bouche.
Le temps d'un bébé n'est pas celui de l'adulte; surtout à quelques semaines. D'un rapide calcul, Nico me disait l'autre jour qu'une semaine de son temps équivaut dans sa perception à quatre ans de notre vie. Elle a si peu vécu que chaque minute compte double, triple, dix fois plus. En retour, notre temps change aussi. Il est plus fragmenté, adapté au changement perpétuel d'humeur et de fatigue du petit être qui nous accompagne. La voilà qui ouvre les yeux et regarde partout; 15mn plus tard, elle pleurera de fatigue. Profiter de ces 15mn demande de savoir s'arrêter de tout faire, sans attendre, quand Colline nous prête de l'attention. Prendre soin de notre fille demande aussi de savoir s'arrêter de tout faire, sans attendre, quand Colline veut manger, être changée ou câlinée; c'est exigeant. Comme je le disais auparavant, un tout petit bébé ne sait pas attendre.
Mais surtout, le faire attendre revient à ne pas le connaître. C'est en suivant ses rythme par une fine observation qu'on arrive à passer des moments de partage, surtout tout au début. Quel effort, pour un adulte qui a ses propres occupations ! Quel sacrifice de sans cesse s'arrêter de tout faire, et d'être tant à l'écoute.
Mais pourtant quel plaisir d'avoir en retour des regards, et bientôt des sourires ! Le temps parait long sur le moment quand on ne fait pas "ce que l'on veut" mais l'on se rend vite compte que le temps paraot court quelques semaines plus tard quand on réalise que ses temps d'éveil sont déjà deux, trois, quatre fois plus longs que lors de ses deux premières semaines, et que déjà elle fait presque ses nuits (elle se couche à 20h au lieu de minuit!), et que déjà elle ne rentre plus dans ses pijamas. Le sacrifice était bien temporaire, et on en rit. Tout le monde le dit, mais on le vit: le temps passe vite, avec un enfant. A peine avez vous eu le temps de vous adapter qu'il ou elle a déjà changé, sans que vous de votre côté ayiez encore repris de l'activité. Quel exploit que de grandir....
Comme pour toutes les mamans, les premières semaines m'ont parfois paru difficiles, par la dépendance au bébé qu'elles impliquent, surtout quand on allaite. Avoir un bébé sur le sein pendant 3 à 4h par jour n'est pas rien, quand on pense que ce temps est passé immobile pour ne pas avoir mal aux seins, et les yeux dans les yeux pour rassurer bébé et l'aider à grandir sereinement et à s'épanouir. Si possible pas de TV, pas de bouquin, même si parfois on transgresse. Oui, ça parait long, cette liberté encadrée. Mais alors vient le temps de la nounou, quelques semaines plus tard - ou, pour certains, de la crèche. Le temps de tirer son lait si on veut comme moi continuer à le donner, ou le temps de sevrer son bébé pour beaucoup. La liberté désencadrée, le temps de faire ce que l'on veut. Et tout à coup on réalise que ces deux (ou trois) mois sont passés vite et que l'effort en valait bien la peine. Les 3 ou 4h par jour se résument finalement à 240 heures sur deux mois, ou 360 heures sur 3 mois, ou 720 heures sur 6 mois si on tire son lait. Total ? L'équivalent de 30 jours... Sur une vie qui en fait 28.800 ! (pour 80 ans). Ce que ça représente? 0,1/100 de votre vie.
Alors pensons aux Volo et à leur chanson: "Tu m'fais marrer bébé" : "C'est maintenant et tout de suite, C'est pour l'instant que j'en profite: c'est pas le bon moment pour se dire que le temps passe vite."
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