Mise à jour du 24 novembre : en relisant ce texte, je me rends compte de l'injustice d'un commentaire : "tant de gens autour de nous nous prodiguent des conseils tous plus inadaptés les uns que les autres"; d'abord, c'est faux, car nombre d'entre vous nous ont donné des conseils fort utiles. Et puis, tous les conseils sont appréciables, en ce qu'ils marquent l'affection que nous porte celui qui le prodigue. Alors, continuez! On suivra ou pas... On fera au mieux pour nous trois.
Le 28 septembre 2011 à 17h21 se faisaient entendre les premiers cris (tonitruants!) de celle que nous attendions depuis 8 mois et demi, de celle à qui nous donnons sans attendre le prénom, choisi d'avance, de Colline. Nom controversé au Quebec... Nous n'y avions pas pensé ! Née 2 semaines en avance : déjà pressée de vivre, dirait-on ! À moins que ce ne soit sa maman qui lui ait soufflé qu'elle était pressée d'en finir avec la grossesse, car 50cm et 3kg675 de petite fille dans un corps de 1m57 et, à l'origine, 48-49kg (devenus à la fin 64kg, pour une circonférence d'1m05!), ça commençait à faire beaucoup. Allongée sur la table d'accouchement et épuisée par 14h de travail (dont 7 sans péridurale), j'avoue mon étonnement et un certain décontenancement devant l'expression si vivace d'une telle énergie. Ma petite fille me manquerait-elle d'amour ? Mais non, me disent vite les (formidables!) sage-femmes : elle est en parfaite santé! Si elle crie, c'est qu'elle s'exprime ! On s'imagine mal quelle épreuve représente l'accouchement pour le nouveau né.... Elle aussi a vécu ces 14 heures si épuisantes.
Quelques heures plus tard, dans la chambre de la maternité Saint Vincent de Paul à Lille, elle récupere, et moi aussi, de cette épreuve. Beaucoup de sommeil pour elle ces premiers jours; entrecoupé de moments d éveil tres brefs ou elle ouvre les yeux et nous fixe de son regard flou, cherchant a comprendre ce qu'est ce monde et qui nous sommes. Elle pleure peu - ou jamais sans raison : faim, froid, sont ses premieres découvertes hors de cet espace si protegé qu'elle vient de quitter. Je découvre quant a moi la force d'une mere; celle de se lever malgre la douleur et la fievre, sans réflechir, pour s occuper de son enfant, alors qu'on le (la) connait pas encore. Il nous faudra encore 1 semaine et demi, dont 4 jours a la maternité entre les médecins et les visites, heureusement accompagnées nuits et jours par Nico qui peut dormir sur place, puis 1 semaine a la maison dans le chaos logistique du début, pour nous remettre completement du plus gros de notre fatigue. Puis un jour, alors que je commence tout juste a pouvoir m'assoir et que je souffre un peu moins, Colline ouvre les yeux. Pas un instant fugace, comme il y en a eu a la maternité, entre 2 périodes de sommeil de 3 ou 4h - non, cette fois, c est un véritable éveil, et un regard qui demande a ce qu'on s occupe d'elle. Moi, epuisée : que fait on avec un enfant si jeune qui demande une présence et un dialogue, et qu'on ne connait pas ? On apprend a la connaitre.
Alors, les jours qui viennent, pendant les 4 semaines que j ai passées a la maison avant de partir en voyage (déja !) avec notre fille, elle et moi apprenons a nous connaitre. Sur le tapis d'eveil preté par des amis, a meme le sol, elle s'etire, s'étend, se détend. Elle observe. Fait des bruits. C'est decontenancant. Suivant les conseils de ma mere, je lui parle, lui souris, lui explique ce que je fais quand je ne m'occupe pas d elle. Puis, petit a petit, elle demande plus d'attention. Serait ce qu'elle s'est attachée a nous et reclame notre amour alors qu'elle ne faisait avant que réclamer qu'on réponde a ses besoins primaires ? Est-ce le fait que nous avons du monde a la maison tous les weekends et poussons meme jusqu'a sortir avec elle jusqu'a Dunkerque, puis Bruxelles? De pleurs de froid et de faim, ses pleurs commencent vers 2 semaines et demi a changer et a s'allonger. Nous ne savons plus, parfois, la consoler. Je dis alors en riant que, si elle tient de son pere par la taille (son taux de croissance depuis la naissance bat tous les records!), elle tient peut etre de moi par le caractere; elle hurle parfois a s'en casser la voix, sans avoir faim ni autre besoin specifique. Fatigue, surement; et aussi, nous l'apprenons bientot, besoin de reperes.
Voila sans doute le plus grand des defis de cette naissance : alors que nos reperes sont completement brisés, nos emplois du temps chamboulés par un etre qui ne peut, qui ne sait attendre (l'heure de mnager, c'est l'heure de manger!), que nous sommes perclus de la fatigue de devoir nous adapter a la presence d une nouvelle personne qui a besoin de notre attention quasi constante, perdus dans la logistique des couches et des lessives, des repas preparés d'une main pendant que l'autre bras porte Colline; alors que nous ne pouvons plus prévoir si nous dormirons bien ce soir ou si nous pourrons voir un film... Alors que nous perdons confiance car nous ne savons pas encore etre parents et que tant de gens autour de nous nous prodiguent des conseils tous plus inadaptés les uns que les autres, alors que notre chez nous ressemble a un bateau dans la tempete au milieu des habits de bébé qui sechent, de la vaisselle qu'on n'a pas le temps de faire, du ménage pas fait non plus, et de tout un bardas qui traine... Alors que ce manque de repere, de confiance et de calme est a son comble a minuit et des poussieres quand Colline hurle un desespoir qu on ne comprend pas...
Voila sans doute le plus grand des defis de cette naissance : alors que nos reperes sont completement brisés, nos emplois du temps chamboulés par un etre qui ne peut, qui ne sait attendre (l'heure de mnager, c'est l'heure de manger!), que nous sommes perclus de la fatigue de devoir nous adapter a la presence d une nouvelle personne qui a besoin de notre attention quasi constante, perdus dans la logistique des couches et des lessives, des repas preparés d'une main pendant que l'autre bras porte Colline; alors que nous ne pouvons plus prévoir si nous dormirons bien ce soir ou si nous pourrons voir un film... Alors que nous perdons confiance car nous ne savons pas encore etre parents et que tant de gens autour de nous nous prodiguent des conseils tous plus inadaptés les uns que les autres, alors que notre chez nous ressemble a un bateau dans la tempete au milieu des habits de bébé qui sechent, de la vaisselle qu'on n'a pas le temps de faire, du ménage pas fait non plus, et de tout un bardas qui traine... Alors que ce manque de repere, de confiance et de calme est a son comble a minuit et des poussieres quand Colline hurle un desespoir qu on ne comprend pas...
Alors c'est la, justement, qu'il faut trouver le calme interieur. Retrouver la confiance. La rendre a celle, Colline, qui la perd parfois devant tant d'inconnu. Et donner des reperes. Pas de faux semblants : un bébé sent le stress, éprouve la fatigue de ses parents et souffre du manque de reperes dans son nouvel environnement. Il lui faut des piliers pour l'aider a voir plus loin que sa peur de ce monde encore inconnu. Alors on devient parents. L'amour prend le dessus et la patience s'installe. On n y est pas encore, chaque jour est un bout du chemin - sans fin. Mais au moins a t on decidé du pas qu'on voulait y mettre, meme si parfois encore on l'oublie - le pas de l'écoute, de la decouverte, de l'humour aussi, pour ne pas dramatiser ce qui n a pas besoin de l'etre. Et le pas de l'equilibre entre nos besoins et les siens, dans le respect de sa personne. Car Colline a beau n'avoir que 7 semaines, Colline est Colline. Et son temps est son temps, et a son rythme: temps de regards, temps de sourires depuis peu (magnifiques !), temps de sommeil parfois (tres) difficile a trouver, peut etre par trop de curiosité pour la vie qui continue autour d'elle quand elle dort. Alors elle hurle parfois dans nos bras, mais sent, contre son sein, aux heures ou on s'en sent encore la force, la ré-assurance du calme de ses parents.
Rester soi meme, tout en gagnant la sagesse et la richesse de celui qui rassure... C'est peut etre ca, etre parent. Et Colline, qui est-elle donc? Vivement qu'on la connaisse mieux encore, quand elle répondra a nos sourires, puis a nos mots et a nos pas, et vivement qu'on la redécouvre chaque jour, pour le reste de nos vies. Et qu'elle, avec nous, découvre le monde.